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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 09:45

 

D'aussi loin que je m'en souvienne, je me suis donc intellectuellement construit dans la terreur permanente d'avoir le moindre point en commun avec ce qui constituait ma famille. Déjà que je devais assumer la contrainte de contenir des gènes communs. J'ai donc employé toute l'énergie dont j'étais capable pour sculpter ces gènes malsains à l'image de ce qui me semblait s'éloigner le plus de l'amibe avinée en poste à l'accueil du commissariat de mon quartier.

 

Avec une méthode et une méticulosité frisant l'obsession, je posai patiemment pierre après pierre l'édifice de ma différence revendiquée, jusque dans les détails les plus insignifiants : je décidais donc que non, les chômeurs ne le font pas exprès, les femmes en mini-jupe ne méritent pas d'être violées, les enfants ne sont pas des larves à modeler, il n'est pas normal d'attendre la marque jaune pour jeter son slip au milieu de la chambre, les arabes ne sont pas tous des voleurs, les homosexuels pas tous des pédés et les joueurs de l'équipe de France de foot pas tous des blaireaux. En résumé, je décidais de ne pas avoir peur de l'autre, ce qui faisait du non-racisme ma clef de voûte en même temps que mon radar à cons.

 

C'est donc auréolé de mes 45 ans de contre-certitudes scrupuleusement empilées que je me présentais au bureau de la directrice de l'école à laquelle aurait dû aller mon fils d'après la carte scolaire. Je dois avouer un a priori franchement négatif à la base, dans la mesure où il y a une école à 100 mètres de la maison, et que la mairie me l'inscrit d'office à plus de deux kilomètres, loin de mon trajet maison-crèche-boulot.

J'entre donc dans le bureau, et découvre la trogne sobrement décrite au deuxième opus de cette histoire, me retiens de vomir et pose dans un spasme, le dossier de mon fils sur le bureau.

On bla-bla-bla quelques minutes. Elle se dit heureuse d'accueillir le gamin et sort faire des photocopies. Profitant de la pause hestétique proposée à mes yeux, je me lance dans le suivi laser d'une mouche que j'avais déjà repérée en arrivant. La bête se pose sur un tableau que je lis machinalement. Il s'agit des six classes qui composent la structure. Un détail me chafouine : entre 38 et 42 élèves par classe... je ne sais plus quelles sont les standards du moment, mais ça me paraît une foule incontrôlable à gérer pour mon bonhomme. Je lis les noms alignés verticalement. J'aurais pas dû. C'est là que ma personne intérieure a implosé.

 

En tout et pour tout, deux noms "à consonnance française" par classe, le reste d'origine arabe (d'où, vraisemblablement, le surpeuplement des classes consenti par l'Education nationale).

Il se passa une chose inédite : ma pensée fût plus rapide que ma maîtrise de ma pensée. "Est-ce que je souhaite que mon fils vive sa scolarité en tant que minorité visible ?" La réponse fût aussi évidente qu'effroyable : non. L'évidence grise m'a tuer. 

 

J'ai obtenu une dérogation au goût d'autant plus amer que je l'aurais demandée sans cela, compte tenu de la situation géographique de l'école.

 

J'ai un besoin vital de vous, les Francs. Votre culture, votre obsession du vrai, votre haine assumée du réactionnaire, votre sincérité et votre humanité ont fait de vous ma véritable famille.

J'ai besoin de votre jugement, sans complaisance et sans fard, avec vos mots et vos analyses : suis-je raciste ?

 

      

 

   

 

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commentaires

S
<br /> <br /> et si on prenait la question à l'envers : ferais-tu preuve de tolérance et d'ouverture d'esprit en l'y inscrivant ? Je veux dire, as-tu besoin de ça pour te prouver ou te confirmer que tu n'es<br /> pas raciste ?<br /> <br /> <br /> Personnellement, j'arrive à me considérer comme écolo malgré mon diésel, j'ai jamais eu besoin d'aller me faire enculer pour me prouver que j'étais pas homophobe et je ne remets pas en cause mon<br /> goût de la provocation et du cynisme ni mon sens de l'humour uniquement parce que je déteste Stéphane Guillon. Je crois qu'on sait ce qu'on vaut lorsqu'il s'agit de ce genre de "convictions". Et<br /> je crois qu'en te posant la question, tu risques d'ouvrir une brèche à certains preneurs de raccourcis.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> et puis aussi, je tiens à préciser que certes, je suis parfois hébergé à Paris comme un vulgaire SDF, mais que je n'ai pas un nom à consonnance arabe. Je fais donc un effort.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Poune et moi, je crois qu'on dit sensiblement la même chose. Si l'école qui te chagrine est du genre "ghetto", arrête de te prendre la tête : c'est même UNE CHANCE de pouvoir éviter ça à ton môme<br /> !<br /> <br /> <br /> Après, bon, si l'école est tout à fait correcte, et que c'est la seule majorité de "minorités" qui t'ennuie, oui, ça vaut le coup d'y réfléchir. Mais j'ai pas l'impression que ce soit<br /> ça. Si ?<br /> <br /> <br /> En revanche, je tiens à préciser d'office que je n'ai pas encore d'enfant, et que je n'ai par conséquent que le droit de fermer ma gueule.<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> La question ne se pose pas en ces termes à mon avis. Tu n'es pas responsable d'un système et d'une<br /> politique qui conduisent aux ghettos - même si, ok, nous sommes tous électeurs, citoyens, gnin gnin gnin, donc responsables, mais bon : on fera une séance de flagellation plus tard...<br /> <br /> <br /> Subir les conséquences d'une politique déplorable ou décider de les faire subir à ton fils quand tu<br /> pourrais l’éviter juste pour... pourquoi d'ailleurs ? Essayer de prouver que dans une classe de 42 gosses défavorisés dont beaucoup ne parlent pas français à la maison on peut survivre, voire<br /> réussir ? Laisse tomber, je vais te faciliter le problème : oui, on peut. C'est pas une raison pour se rendre la vie plus compliquée.<br /> <br /> <br /> Rejeter ce qui est une aberration et refuser de t'y résigner n'est pas lâche, c'est raisonnable.<br /> <br /> <br /> Mets ton gosse dans une meilleure école et oublie celle-ci pour te dire que le système éducatif est bien<br /> foutu, égalitaire et prometteur et là, oui, je te jetterai quelques pierres... Mais si tu utilises plutôt cette indignation que tu t'inspires toi-même pour t'élever contre un système défaillant<br /> et dénoncer les injustices qu'il crée, je ne vois pas de quoi tu aurais à rougir.<br /> <br /> <br /> J’ai grandi dans un quartier défavorisé où j’ai été parfaitement heureuse. Aujourd’hui je peux me<br /> permettre de vivre dans un quartier où les squares ont des jeux en bon état et où les enfants peuvent s’amuser sans avoir nécessairement recours au feu de boite aux lettres ni à la démolition de<br /> poubelle. Va comprendre, j’ai pas choisi de retourner élever ma fille dans le quartier de mon enfance… Suis-je une snobinarde pincée du cul avec un fond de racisme latent ???<br /> <br /> <br /> (gaffe à ce que tu vas répondre, je peux avoir parfois des réactions tout à fait<br /> étonnantes ;o)<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Je vois que le problème a l'air assez vif pour toi. Je vais donc penser à une réponse moins... hâtive.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Hou la la… mon Raimb’ ! Qu’est-ce qui se passe ?<br /> <br /> <br /> Bon…<br /> <br /> <br /> Je vais (tenter de) donner un point de vue à chaud. Un point de vue forcément bancal, vu que c'est à chaud, mais ça nous<br /> permettra de débattre.<br /> <br /> <br /> Il y a derrière nous soixante ans d’immigration, d’aménagement du territoire et de débat politique.<br /> <br /> <br /> On ne peut pas en faire abstraction !<br /> <br /> <br /> Prenons certaines cités du 93. Je les cite, parce que ce sont les seules que je connais à peu près. La droite accentue le côté<br /> répressif. Bon. La gauche voudrait plus d’éducateurs. OK. Ce que personne ne veut, ni les uns ni les autres, c’est casser ces ghettos pour « dispatcher » la population de ces zones dans<br /> le reste de la population. Du coup, quel que soit le bord politique, l’accent est mis sur les fondamentaux électoraux, sans vision à long terme.<br /> <br /> <br /> Je caricature, mais bon… tu m’as compris… Claude Dilain, le maire de Clichy-sous-Bois, est de ce point de vue l’une des<br /> personnalités les plus lucides parmi nos élus. A mon sens, évidemment.<br /> <br /> <br /> Il y a donc, en France, des ghettos. Inutile de le nier.<br /> <br /> <br /> Certains coins concentrent les problèmes plus que d’autres, certes. Et l’école que tu décris n’est peut-être pas l’équivalent de<br /> Montfermeil. Mais, quoi qu’il en soit, un regroupement de noms « à consonance étrangère » dans une école allume forcément des WARNING. Moins pour ce que ça implique de dangereux maghrébins, d’ailleurs, que pour les à-côtés : comme « ghetto ordinaire », il va se prendre en<br /> plein chaque soubresaut de la société française !<br /> <br /> <br /> Donc on se méfie des ghettos – ET ON A RAISON, BODEL DE MERDE !<br /> <br /> <br /> Et vu que la France aujourd’hui s’est créé des ghettos, LA LOGIQUE<br /> VOUDRAIT QU’ON CHERCHE À S’EN DÉBARRASSER.<br /> <br /> <br /> Or, on les perpétue, ces ghettos…<br /> <br /> <br /> Qu’est-ce que tu veux faire ?<br /> <br /> <br /> A mon avis, tu fais déjà le maximum : tu votes, tu fais circuler des idées, tu joues les (petites) mouches de coches avec<br /> ton blog.<br /> <br /> <br /> Tu vas en plus, par principe, balancer ton môme en première ligne ? Ou si je mets un glaçon dans la Méditerranée, est-ce que ça va dessaler la mer ? (Perso,<br /> je suis choqué quand un mec meurt de froid dans la rue, mais je propose pas encore à des SDF de dormir dans mon salon. Sauf Stipe, quand<br /> il est sur Paris. Mais, bon. Bref : on peut pas tout mettre à la même échelle.)<br /> <br /> <br /> Tu ne peux pas, tout seul, inverser la tendance. C’est pour ça qu’on a des élus qui sont supposés, me semble-t-il, avoir des<br /> politiques échelonnées dans le temps.<br /> <br /> <br /> Refuser de mettre son enfant dans un ghetto, surtout s’il peut se trouver en difficulté du fait de ses origines, je trouve<br /> plutôt ça normal pour un parent. Triste, mais normal. Et je dis triste pour ce que ça me raconte de la France d’aujourd’hui.<br /> <br /> <br /> Le jour où la politique jouera son rôle et tentera de mieux fondre les populations pour les intégrer, je ne pense pas que tu ne<br /> te poseras les mêmes questions. Je me trompe ? Et je ne suis pas sûr que tu retires ton fils d’une école qui représente la diversité de la population française.<br /> <br /> <br /> Alors enlève ta chemise de crin et rechausse tes crampons, c’est comme ça que je te préfère. <br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Le truc, c'est que j'ai habité ce genre de ghetto quand j'étais gosse et que je m'y suis toujours senti bien, même en minorité. Etre accueilli dans une famille maghrébine est tout le mal que je<br /> souhaite à tout être humain qui se respecte : c'est un régal.<br /> <br /> <br /> Mais là, j'ai paniqué. En refusant l'idée de le mettre en première ligne, je me suis pris un sale écho en pleine face. Comment puis-je souhaiter qu'il soit ouvert et me fermer ?<br /> <br /> <br /> J'ai appris après coup, que les dérogs étaient systématiquement refusées par peur d'atteindre 100 % d'arabes (j'ai dû montrer les crocs et plus encore pour l'obtenir). Au travers de la volonté<br /> délibérée d'exercer la politique du ghetto, on sacrifie nos gosses. Ces deux conséquences de la même cause sont inacceptables, mais est-ce que je ne me renie pas en fuyant ? J'ai compris depuis<br /> longtemps qu'on ne combattait vraiment bien un problème que de l'intérieur, et à ce titre, je fais un carnage à mon boulot. Mais là, l'idée même m'en a été insupportable, et j'ai l'impression<br /> d'être un lâche.<br /> <br /> <br /> <br />

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